Celui qui raconte n'est jamais loin de ses personnages ni jamais totalement ignorant des contrées que ses contes traversent. Je chemine avec le loup depuis très longtemps, bien avant d'être conteuse. Une fois, à la tombée d'un jour, mon arrière-grand-père fut poursuivi par un loup en traversant une forêt alors qu'il était allé chercher un outil pour son père. Il n'eut la vie sauve qu'en grimpant fissa en haut d'un rocher autour duquel le loup roda toute la nuit et c'est transi de froid et tremblant de peur que ses parents le retrouvèrent au petit jour. Quant à mon oncle, un conteur extraordinaire, il ponctuait souvent ses envolées par un "Oh ! Fille de loup !", c'est vous dire. Fière de cette lignée, je chemine au creux des histoires de loups le dos droit et le pied léger. Les loups sont sauvages et tiennent à le rester car un collier leur briserait l'âme. Pour ma part, j'ai toujours été attirée par leur caractère farouche, ils sont notre part indomptable qui nous fait nous relever quand le sort s'acharne. Il faut voir le visage de ceux qui écoutent leurs histoires pour comprendre à quel point les loups des contes éclairent le chemin des hommes et nourrissent leur coeur : ils sont le symbole de ceux qui ne rompent pas, qui tiennent debout.